Propos recueillis par Mohammed Benchrif
Après 10 jours de compétitions (30 juillet -8 août), les représentants du continent africain sont repartis des 32è Jeux Olympiques de Tokyo avec une moisson de 23 médailles (8 en or, 7 en argent et 8 en bronze). Huit (8) nations du continent ont contribué à cette moisson à savoir le Kenya, l’Ouganda, l’Ethiopie, le Maroc, la Namibie, le Nigéria, le Burkina Faso et le Botswana.
Malgré les conséquences néfastes de la pandémie, les athlètes africains ont démontré encore une fois l’excellente santé de l’athlétisme africain, ce qui constitue une source de satisfaction du Président de la Confédération Africaine d’Athlétisme M. Hamad Kalkaba Malboumn, qui a bien voulu nous accorder cet entretien exclusif :
Etes-vous satisfait, Président, du bilan de la participation africaine aux compétitions de l'athlétisme des Jeux Olympiques de Tokyo ?
« Il faut dire que le contexte dans lequel nous nous sommes présentés aux jeux olympiques était extrêmement difficile pour le continent africain. En fait, l’Afrique a subi le grand coup de cette pandémie dans le domaine du sport. Depuis l’apparition de la pandémie du Coronavirus, on présentait l’Afrique comme le continent où devrait se dérouler le désastre de la pandémie. Nous n’avons pas pu alors organiser nos compétitions sur le continent en 2020 et 2021. Nous avons reporté à deux reprises les championnats d’Afrique prévus en Algérie, qui pour des raisons scientifiques n’autorisait pas l’organisation de ces championnats que nous avons essayé de délocaliser au Nigéria pour donner la possibilité aux athlètes africains de se retrouver. Mais pour les mêmes raisons, nous n’avons pas pu les tenir dans ce pays. Donc, nous avons passé toute cette période sans aucune compétition, alors que les compétitions d’athlétisme se sont déroulées sur les autres continents. Assurément avec la fermeture des frontières nous avons vécu des moments très difficiles. Nonobstant, certains de nos athlètes sont allés chercher leur qualification ailleurs plus précisément en Europe.
Les résultats que nous avons obtenus à Tokyo démontrent que le potentiel existe et nous ne pouvons qu’être satisfaits des acquis. L’athlétisme a eu le plus gros lot des médailles que l’Afrique a décrochées aux jeux olympiques de Tokyo. En plus il y a des victoires qui sont très significatives comme les trois médailles du marathon, les deux triplés au 10.000 m et au 3000m steeple, la victoire du Maroc sur cette épreuve, le retour de la Namibie, que nous n’avons pas vu depuis le temps de Frankie Fredericks et le Botswana qui maintient son ascension.
En tout cas, nous ne pouvons que nous réjouir des résultats de nos athlètes, sans omettre que des athlètes africains naturalisés sont allés enrichir les palmarès d’autres pays en Europe, en Amérique et surtout au Canada. Des athlètes africains naturalisés américains, canadiens ou Australiens, sont devenus nos concurrents au 800 m, 1500 m, demi-fond et fond, qui étaient notre champ de prédilection. Mais je suis convaincu que l’athlétisme africain reste un berceau important de l’athlétisme au niveau mondial.
Dans quelques jours Nairobi abritera les championnats du Monde U20.Quelles seraient les retombées de ces championnats sur l'athlétisme africain ?
« C’est tout un processus. Lors des Mondiaux de 2017 à Londres, il a été décidé que l’Afrique doit pouvoir accueillir une édition des Championnats du Monde séniors à l’horizon 2025. Pour y arriver il faut franchir des étapes pour apprendre d’une part, et convaincre nos partenaires au niveau de l’athlétisme mondial d’autre part. J’ai cité certains pays qui ont la possibilité d’accueillir ces Mondiaux. Le Kenya s’est bien positionné pour cette échéance en organisant des compétitions intermédiaires à commencer par les championnats du monde de moins de 18 ans et dans quelques jours les Mondiaux U20 à Nairobi (du 17 au 22 août) et il est candidat pour abriter les championnats du monde séniors en 2025. Je considère que les championnats du monde U20 sont un test important pour que la communauté internationale puisse nous faire confiance. »
Voilà trois ans vous avez initié le second plan de développement de l'athlétisme africain sur 10 ans. Est-ce qu'on peut dire aujourd'hui que les indices sont bons et que la CAA a atteint ses objectifs intermédiaires ?
« Certainement, les indices de ces objectifs sont bons. Malheureusement nous avons perdu deux années (2020 et 2021). Deux années d’inactivités sur le plan continental à cause de la pandémie, partant nous ne pouvons pas dire que nos objectifs intermédiaires sont atteints. Vu les résultats acquis et l’émergence de nouveaux pays, nous pensons que l’athlétisme africain est sur la bonne voie. Mais nous ne pouvons pas faire une évaluation parce que nous n’avons pas pu organiser nos championnats d’Afrique. Par ailleurs, nous avons attribué l’organisation de la prochaine édition de ces championnats en 2022 à l’Ile Maurice qui a marqué son intérêt au plus haut niveau de l’Etat et le gouvernement mauricien a exprimé son soutien total à l’organisation de ces joutes ( Juin-Juillet) ; ce qui va nous permettre de faire notre évaluation et d’offrir l’opportunité à nos athlètes de se qualifier en grand nombre aux prochains Championnats du Monde prévus au mois d’août 2022 à Eugene (USA) . Donc nous ne pouvons pas évaluer actuellement les résultats de ce plan que nous n’avons pas pu exécuter indépendamment de notre volonté. Pour un plan de 10 ans je pense que nous pouvons faire l’évaluation intermédiaire au bout de cinq ans. Nous avons donc devant nous deux autres années.
L’objectif escompté c’est de permettre à chaque pays africain de participer aux championnats du monde et aux jeux olympiques avec des athlètes qualifiés et non pas invités, compte tenu de l’esprit de l’universalité des jeux.
Je comprends que la situation actuelle ne permet pas d’évaluer objectivement cette stratégie mais je suis convaincu qu’après le Covid-19, les choses vont reprendre normalement et nous pourrons atteindre les objectifs assignés.
Parmi les objectifs de ce plan, avez-vous encore d'autres ambitions pour les années à venir ?
« A mon sens, il faut voir les choses à deux niveaux. Pour le développement, il y a une volonté de soutenir cet athlétisme par World Athletics (Fédération Internationale de l’Athlétisme). Le continent africain est le seul qui bénéficie d’une enveloppe consistante par rapport aux autres continents comme l’Asie, l’Amérique du Sud et l’Océanie. Mais compte tenu de notre potentiel, de notre rendement et de notre contribution, nous sommes en droit d’attendre plus que ce qui a été fait jusqu’à maintenant. Nous devons associer le jeune esprit pour assurer une meilleure reconversion des athlètes, associer l’entraînement à l’école et à l’université, apprendre un métier après l’achèvement de la carrière…etc. Sur ce point - là nous attendons beaucoup de « World Athletics ». Pour le reste nous devons convaincre nos Etats. Une médaille aux jeux olympiques, même de bronze donne satisfaction à toute une nation et à la jeunesse du pays. La pratique de l’athlétisme ne coûte pas chère. Je pense que les Etats africains doivent soutenir ce sport qui constitue une source de fierté et qui leur donne un grand rayonnement.
L'athlétisme africain est le seul au monde à connaître une activité quasiment permanente durant toute l'année. Est-il récompensé à la juste valeur de sa contribution au développement et au rayonnement l'athlétisme mondial ?
« Les Africains doivent être conscients que l’athlétisme est le sport numéro 1 par excellence en Afrique et aux jeux olympiques. Outre les jeux olympiques et les championnats du monde, il y a des compétitions intermédiaires tels que les jeux africains, méditerranéens, de la francophonie et du Commonwealth où les Africains brillent par l’athlétisme. Il faut que les Etats africains soutiennent l’athlétisme et que la jeunesse africaine s’intéresse davantage à ce sport. Quand on est médaillé olympique ou champion du monde, ça change le niveau de vie et la situation sociale de l’athlète qui devient une icône et un héros dans son pays qui le récompense et attire des sponsors qui s’intéressent à ses performances.
En conclusion, il faut prendre ce sport au sérieux et le pratiquer, si on le choisit, avec détermination, persévérance et engagement dans le but d’atteindre le plus haut niveau possible dans la carrière. »
SOUS FORME D’INTER (FENETRES)
-L’athlétisme a eu le plus gros lot des médailles que l’Afrique a décrochées.
- Les Mondiaux U20, test important pour que la communauté internationale puisse nous faire confiance.
-Vu les résultats acquis et l’émergence de nouveaux pays nous pensons que l’athlétisme africain est sur la bonne voie.
-Le continent africain est le seul qui bénéficie d’une enveloppe consistante par rapport aux autres continents
-L’athlétisme est le sport numéro 1 par excellence en Afrique et aux jeux olympiques.